Mercredi des Cendres – année C – 5 mars 2025
Mercredi des Cendres – année C – 5 mars 2025
Lectures : Jl 2, 12-18 Ps 50 2 Co 5, 20 – 6, 2 Mt 6,1-6.16-18
« Revenez à moi de tout votre cœur » dit le Seigneur à travers le livre du prophète Joël.
En parlant ainsi, le Seigneur met devant nos yeux une réalité que nous connaissons bien, même si nous préférons ne pas la voir. Oui, nous sommes souvent loin de lui, à distance.
Peut-être nous disons-nous : « oh, la distance n’est pas forcément très grande. Dieu est bien notre Dieu. La preuve, nous sommes là aujourd’hui … Et être complètement à Dieu ce n’est pas si simple ! Et puis Dieu est si bon qu’il comprend bien cela !… »
En fait, c’est nous qui ne comprenons pas qu’être à distance de Dieu, c’est être aussi à distance de notre propre vie. Et nous rapprocher de Dieu, c’est bien nous rapprocher de nous-mêmes, et devenir davantage ce à quoi nous sommes appelés : vivants et aimants.
Le risque est bien réel de s’accommoder de cette distance.
Que cela peut-il signifier de : « revenir vers le Seigneur, se rapprocher de Dieu » ?
Il s’agit d’abord de regarder notre vie. Notre éloignement de Dieu se cache en bien des attitudes, des comportements, des réactions qui concernent tous les secteurs de notre vie.
Nous choisissons, consciemment ou non, de nous passer de Dieu pour vivre.
Revenir à Dieu suppose une sortie de soi, un changement. Commentant ce texte du livre du prophète Joël, un Père de l’Eglise nous propose de nous interroger : « Examine ce que tu aimes … ce que tu crains…, ce qui te réjouit… ce qui te contriste » car ce sont bien là « les mouvements de l’affectivité, constitutifs du coeur » Ces mouvements doivent être orientés non plus en fonction de nous-mêmes mais de Dieu. C’est bien ce que nous dit le Seigneur en ce jour qui ouvre le Carême. Quand il évoque l’aumône, la prière et le jeûne, c’est bien l’ensemble de notre existence humaine qui est récapitulée.
L’aumône, le partage recouvre l’ensemble de la relation aux autres. Relation fondamentale car Dieu nous ne le voyons pas et le prochain est donc pour nous sa révélation, sa manifestation. Regardons notre relation aux autres, proches ou lointains. De qui allons-nous nous rendre proches durant ces semaines ?
La prière renvoie à notre relation à Dieu. Comment allons-nous donner un goût nouveau à cette relation ? Celle-ci, paradoxalement, vient en second dans la bouche de Jésus qui un peu plus haut dans ce même évangile rappelle : « Si tu présentes ton offrande à l’autel et que là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande devant l’autel et va d’abord te réconcilier avec ton frère, et alors tu viendras présenter ton offrande » ( Matthieu 5, 23-24) Pas de prière juste sans le souci du frère. Et si la prière occupe ici la seconde place, on peut également considérer que c’est bien cette relation à Dieu qui occupe la place centrale puisqu’elle commande à la fois la relation aux autres et la relation à la nature.
Par le jeûne est envisagée toute notre relation à la nature, aux biens qu’elle procure, à la richesse, à la consommation … Et ce temps du Carême est l’occasion de regarder nos modes de vie, l’usage que nous faisons de nos biens, notre liberté par rapport à la marchandisation ambiante … – nous souvenant du lien que le Pape François, dans l’encyclique Laudato Si, établit entre crise sociale, crise écologique, crise spirituelle.
Vous voyez donc que le chemin vers Pâques demande que nous regardions tous les aspects de notre vie – à la lumière de la vie du Christ, lui qui n’a jamais utilisé les autres ni son Père pour en tirer des avantages. Il demande que nous fassions, ou du moins que nous en ayons le désir, une démarche de clarification pour vérifier ce qui est vrai dans notre vie et ce qui est faux. Qu’est-ce qui a besoin d’être ajusté et réorienté ? Repérer et décider, de manière simple et réelle, des moyens à mettre en place pour nous laisser réconcilier avec Dieu. Et ainsi ne pas marcher à côté de notre vie. Amen.
Jean-Jacques Guillemot sj et l’EAL Ignace