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2ème dimanche de Carême avec le témoignage de « l’Aumônerie de Prison »

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2ème dimanche de Carême – année B – 25 février 2024

Lectures :  Gn 22,1_2.9a.10-13.15-18    Ps 115          Rm 8,31b-34        Mc 9,2-10

Homélie du dimanche 25 février 2024

Peut-être vous êtes-vous demandé comme moi pourquoi la liturgie, en plein Carême, nous propose le récit de la Transfiguration ? On s’attendrait plutôt à des textes sur le repentir, sur la pénitence ou sur la prière ! Et bien au contraire Marc nous raconte comment un jour Jésus s’est montré à trois de ses disciples, Pierre, Jacques et Jean, sous son vrai jour, transfiguré, c’est-à-dire illuminé par sa relation à son Père, aux côtés de deux grands prophètes de l’Ancien Testament, Moïse et Elie. Oui, pourquoi ?

Sans doute ces trois disciples avaient-ils besoin d’être affermis dans leur foi ! Sans doute le Christ fondait-il sur eux de grands espoirs ! Sans doute les aimait-il d’un immense amour tout spécial ! Toujours est-il que c’est à eux qu’il se manifeste comme fils de Dieu. Une voix se fait entendre de la nuée : « celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! »

Mais ne serions-nous pas nous aussi dans la même situation que ces trois disciples  ? En plein Carême nous prenons peut-être bien davantage conscience de notre misère, de la pauvreté de notre prière, de la résistance de nos mauvais penchants, de nos doutes, de nos découragements, de nos peu de foi !

Alors c’est peut-être devant nous, ici, ce matin, que le Christ se montre transfiguré. Peut-être bien qu’il nous invite à prendre un peu de distance vis-à-vis de notre quotidien, à gravir avec lui la montagne, à ouvrir bien grand nos yeux et nos oreilles, à contempler l’amour qui relie le Père et le Fils, à puiser dans les Écritures et dans l’histoire de Moïse et celle d’Élie des chemins de vie…

Je vois la Transfiguration comme une oasis en plein désert ! On ne s’y attend pas et on est émerveillé par ce qu’on a sous les yeux ! Ce n’est pas un mirage, comme ce que voient les deux Dupont dans Tintin et Milou, c’est un beau cadeau de Dieu, une halte réconfortante, une invitation à poursuivre l’aventure. « Venez et vous verrez ! »

Je vais maintenant laisser la parole à Alain. Chaque dimanche de Carême nous entendons des témoignages, des manières diverses et toujours très belles de vivre dans le monde l’Évangile du Christ. Alain était déjà venu l’an dernier et il nous avait parlé de l’aumônerie de la prison de Gradignan. Cette année nous lui avons demandé de nous parler des prisonniers eux-mêmes, des chemins qu’ils peuvent prendre derrière les barreaux et à leur sortie de prison. Il nous a même fait rencontrer un ancien prisonnier et nous espérions un témoignage en direct. Sans doute était-ce trop pour lui et il n’est pas là ce matin. Alors Alain va parler en son nom…

Georges Cottin et l’équipe liturgique Marie-Céline

 

TÉMOIGNAGE DE L’AUMÔNERIE DE PRISON BORDEAUX GRADIGNAN – Détenus et sortie de prison

Bonjour,

Aumônier de prison à la maison d’arrêt de Bordeaux Gradignan, la paroisse Notre-Dame des Anges m’avait demandé l’an dernier de témoigner de notre aumônerie. Il était question de notre mission, qui s’exerce uniquement en prison, de ce que nous y vivons et des personnes que nous y rencontrons, avec qui nous échangeons et partageons des moments d’amitié. Leur vie est au cœur de nos échanges, l’écoute sans jugement en est la base, afin de permettre des relectures, des voies nouvelles et des chemins de vie possible, s’ils le souhaitent et quand ils le souhaitent. L’aumônerie de prison fait partie de la Diaconie de l’église, elle agit au nom de cette Diaconie qui est l’église. Il en sera bientôt question dans votre paroisse et dans toutes les paroisses, le weekend du 1-2 juin à travers le « festival de la diaconie ».

Nous le constatons, l’arrivée en prison est souvent un choc violent, un moment de sidération. Que m’arrive t’il ? Que se passe t’il ? Qu’est ce que je fais ici ? Il arrive qu’un détenu découvre en prison même, la gravité, ou tout simplement l’illégalité, d’un acte. Il est alors important de séparer la personne de ses actes, pour une relecture possible et surtout, un début de chemin nouveau. La plupart des détenus ont grandi comme ils ont pu, sans l’accompagnement absolument nécessaire à tout humain au début de sa vie, et ce au moins pendant une bonne quinzaine d’années. Pas de parent ou pas de parent présent, pas de soutien structurel ni d’aide pour décider de quoi faire, de comment faire, de la raison de faire. Pas de suivi. Par comparaison, pensons à tout le service, humain et pratique, dont nous avons bénéficié globalement, chacun de nous ici, pour grandir et devenir des adultes à peu près acceptables. La différence de traitement et de conditions de vie est énorme.

La prison est un lieu de vie très dure, quant aux conditions de vie, aux contraintes et violences faites au corps, à l’esprit et à l’âme. Mais elle peut aussi être un temps de pause salvateur, à condition d’être aidé en cela. Mais qu’en est il alors de la sortie de prison ? Elle n’est pas du ressort de l’aumônerie de prison, qui se situe uniquement à l’intérieur. Pour autant, elle est une immense difficulté, un défi pour la personne qui sort. De même que l’entrée en prison est un choc et une sidération, en réalité la sortie de prison est très souvent un deuxième choc et une même sidération. D’un jour à l’autre, la personne sort d’un milieu carcéral fermé, où toute autonomie est bannie. Elle se retrouve seule, souvent sans famille. Où dormir et se loger ? Comment faire sans un emploi qui a été perdu et sans revenu ? Quelle immédiateté de vie ? Et quel projet de vie possible ? Quelle immense difficulté, insoupçonnée mais bien réelle ! Pour ceux qui ont pourtant cheminé à l’intérieur de la prison, comment tenir, à la sortie, comment mettre en pratique de nouvelles résolutions quand elles sont là ? Comment faire ? La sortie de prison peut être aussi rude que l’entrée et l’absence de préparation reste la règle malgré quelques aides d’état (SPIP : service pénitentiaire d’insertion et de probation), mais sans accompagnement suivi dans le temps.

Un détenu libéré récemment aurait pu venir témoigner aujourd’hui à ma place et dire son cheminement pendant ces deux années. A Gradignan, il a fait un chemin incroyable, j’en ai été témoin. Il vient de loin, comme on dit, mais grâce notamment à sa Foi et sa vitalité propre, sa remise en question et ses interrogations, son ouverture progressive aux autres au-delà de sa propre vie, il a beaucoup bougé, il a perçu beaucoup de choses de sa vie et en deux mots, il a grandi. Mais sa difficulté pour se relancer, malgré un bon démarrage en formation d’artisan, vous prive de son témoignage. Il lui faudra du temps pour reconstruire un équilibre de vie et nous ne pouvons qu’espérer qu’il y parvienne. Et, peut-être aussi, est ce bien qu’il ne soit pas là aujourd’hui à ma place, ce qui pourrait le maintenir dans une position d’ « ex-détenu » et ajouter à sa difficulté de réintégrer la société …

Pour lui, quelle peut être la Bonne Nouvelle, aujourd’hui ? Comment la Diaconie pourrait-elle venir l’épauler, lui apporter un soutien déjà moral ? Comment notre communauté peut-elle continuer de lui offrir notre Amitié ? A ce jour, je ne peux que poser des questions, sans y répondre vraiment. Merci, bon dimanche et bon chemin.

Alain de Framond, aumônier de prison