32ème dimanche du Temps Ordinaire
32ème dimanche du Temps Ordinaire – année B – 10 novembre 2024 –
Lectures : 1R 17,10-16 Ps 145 He 9,24-28 Mc 12, 38-44
« Elle a mis plus que tous » …
« Ma patronne, c’est la veuve de Sarepta », m’avait dit un jour un aîné. Elle m’apprend à entrer dans le royaume. Elle a en effet éprouvé la béatitude : « heureux vous les pauvres, le royaume de Dieu est à vous ». Ça ne veut pas dire que c’est facile. Elle fait l’expérience du manque. Manque affectif : le conjoint est parti, et avec lui, plein de repères. Manque de ressources, et en l’Israël de l’époque une personne veuve se retrouvait sans autre ressource que celle qu’elle pouvait trouver. Par contre cette femme éprouvée conservait ses charges ! Manque de forces pour faire face à ses charges de mère… En face d’elle, Élie me fait presque honte à demander sans gêne à la veuve qui n’a presque plus rien un peu d’eau, puis un morceau de pain, et ça ne lui suffit pas encore, une galette ! On est en période de grande famine. Heureusement Élie fait assez vite entendre que « jarre de farine ne s’épuisera, vase d’huile ne se videra ». Ouf, elle n’est pas tombée sur un qui dévore les biens des veuves ! Elle fait l’expérience que dans le manque la seule issue de salut est de donner ! Comme la veuve au Temple de Jérusalem qui suscite l’émerveillement de Jésus. « Elle a donné ce qu’elle avait pour vivre ».
Ces deux piécettes valent plus que l’or du monde. Elles sont la femme elle-même. Ce qui me touche, c’est que son geste pousse Jésus à appeler ses disciples. La bonne nouvelle, il la reçoit de cette pauvre, il la proclame, ne la garde pas pour lui. Peut-être cette veuve lui donne l’élan pour tenir dans l’offrande de Dieu qu’il va être bientôt, à sa Passion. Comme elle, il va donner sa vie pour ceux qu’il aime. Dans le manque, ce que Dieu donne, c’est la foi. La foi pour jusqu’au bout donner, la foi pour recevoir sa vie de Dieu, et même en abondance. On peut traverser des famines de toutes sortes, climatique, politique, humaine, Dieu demeure ce Pauvre qui dérange, qui appelle à donner de sa vie. Jésus, apprends-moi à manquer, avec Toi.
Olivier de Framond sj
Témoignage de Thierry, membre de l’équipe d’accueil des familles en deuil :
Ça commence par un mail, envoyé par celui qui a le téléphone, et qui a reçu un appel des Pompes funèbres. Il faut s’assurer de la disponibilité de l’église, de notre capacité à constituer une équipe – deux laïcs et un prêtre, ordinairement- pour confirmer la célébration.
On prend rendez-vous avec la famille. Il arrive, rarement, que les proches soient surpris de devoir préparer les obsèques : non, nous n’avons pas un « produit » obsèques sur étagère !
Nous recevons la famille à Notre Dame des Anges. Cette réunion se passe toujours en trois parties.
En entrée, nous demandons aux proches d’évoquer le défunt. Ils sont arrivés, tout pleins des choses à faire, et un peu stressés de la façon dont on va les recevoir – l’Eglise ne véhicule pas toujours une image d’accueil inconditionnel … petit à petit, ils vont oublier tout ce qui les opprime pour se plonger dans les souvenirs, la vie en commun, le chagrin, qui peut parfois s’exprimer fortement. On prend le temps qu’il faut. Il arrive que cette évocation fasse ressortir un deuil plus ancien, une séparation … des événements qu’on pourra associer à la célébration, par une évocation dans la prière universelle en particulier.
A l’issue de cette première période, une relation de confiance s’est établie : nous sommes d’abord là pour les écouter et les servir, et ce message est passé !
Nous abordons ensuite le choix des textes qui seront lus, à partir d’une sélection que nous proposons. Cette discussion est l’occasion de parler de la foi chrétienne, de la résurrection, de l’amour inconditionnel de Dieu, et de la proximité de la famille avec l’Eglise. Souvent ces sujets sont déjà abordés en première partie. Les propositions de prière universelle viennent conclure ce moment.
Enfin nous déroulons la célébration, en expliquant le rituel, en voyant comment le mettre en œuvre pour que ce temps soit pour eux. Il faut parfois faire œuvre d’imagination pour intégrer certaines demandes … Il y a beaucoup d’aspects pratiques qui sont précisés dans un document commun.
Une fois la réunion terminée, on emmène les proches dans l’église, pour qu’ils voient la disposition des lieux. Ils repartent généralement plus sereins qu’à l’arrivée !
La deuxième rencontre, c’est lors de la célébration elle-même. Entre temps, le téléphone et le mail ont permis les dernières mises au point. Souvent il se passe quelque chose pendant la célébration. C’est l’Esprit-Saint qui est à l’œuvre. Ce temps est véritablement un chemin, ancré dans le passé mais tourné vers l’avenir. On ne ressort pas de l’église comme on y était entré !
Ce service d’accueil des familles en deuil nous fait rencontrer des gens qui sont souvent éloignés de l’Église. Notre ambition, alors qu’ils viennent avec le cœur ouvert par le chagrin, est de leur permettre si possible une rencontre avec le Christ. Parfois même nous avons la chance d’en être témoins.
Mais il arrive que le défunt n’ait aucune famille. Outre la difficulté à personnaliser une célébration, cela nous interroge sur notre rôle, nous fait redécouvrir ce deuxième aspect de notre service, le service rendu au mort lui-même. Refuser l’indifférence, manifester que la route de cette personne ne disparait pas brutalement. Deux œuvres de miséricorde nous y invitent :
- Ensevelir les morts – œuvre corporelle,
- Prier pour les vivants et pour les morts – œuvre spirituelle.
Si personne ne prie pour ce défunt, nous nous célébrons ses funérailles et nous prions pour lui.
Voila, c’est un beau service que nous rendons là, et contrairement à ce que certains peuvent penser, il m’emplit de joie. Quand, à l’issue d’une célébration, les proches repartent réconfortés, qu’ils ont lâché prise et accepté que leur défunt parte vers ailleurs, qu’ils ressoudent la famille, qu’ils se réconcilient parfois, qu’ils se tournent vers l’avenir, je suis fatigué mais heureux.