7ème dimanche du temps Ordinaire
7ème dimanche du temps Ordinaire – année C – 20 février 2022
Lectures : 1 S 26,2.7-9.12-13.22-23 Ps 102 1 Co 15,45-49 Lc 6, 27-38
Quelques remarques à propos de cet Évangile…
D’abord Jésus ne dit pas : « n’ayez pas d’ennemi ! » Il dit « aimez vos ennemis ! » et ce n’est pas la même chose !
C’est vrai que nous pouvons avoir tout autour de nous des gens qui nous détestent, qui nous haïssent, qui nous jalousent ou qui souhaitent que nous disparaissions. On a dans la première lecture de ce Dimanche l’exemple de David que le Roi Saül veut mettre à mort parce qu’il lui fait de l’ombre.
Personnellement c’est dans le monde du travail, de l’entreprise, que j’ai éprouvé pour la première fois de véritables sentiments de haine, à l’égard de petits chefs qui cherchaient sans cesse à nous humilier, à nous rabaisser, à nous faire subir ce qu’eux-mêmes avaient subi avant d’arriver à leur poste de responsables…
Mais ces sentiments de détestation, de jalousie, ou d’animosité peuvent aussi se manifester dans la vie associative, dans la vie politique, ou même dans la vie familiale… Nul d’entre nous n’est à l’abri d’un sentiment de vengeance ou de destruction… et on peut tuer avec des mots ou un regard aussi sûrement qu’avec un couteau ou une arme à feu !
Le Christ nous invite à une toute autre attitude, celle d’un amour plus fort que la haine… Ce n’est pas naïveté de sa part, ni infantilisme (comme l’enfant qui peut oublier facilement le tort qu’on lui a fait ou l’injustice commise à son égard). Jésus n’était pas naïf… et en se rendant à Jérusalem il savait fort bien que les Pharisiens voulaient sa peau. Ce n’est pas par insouciance ou esprit de sacrifice qu’il s’y est rendu, c’est avec la conviction qu’il pouvait répondre à la haine par la douceur, l’humilité, la confiance, et l’espoir que le cœur de l’autre pourrait changer, comprendre, se transformer. Et de fait comme l’a écrit St Matthieu, et aussi St Marc, dans le récit de la Passion : au moment de la mort de Jésus sur la croix, le centurion qui était là avec ses gardes s’est écrié : « vraiment celui-ci était fils de Dieu !» et aussi : « ils regarderont vers celui qu’ils ont crucifié ! »
On connait, tous, les fruits possibles d’une attitude non-violente. C’est de cette manière-là que Gandhi a pu obtenir l’indépendance de son pays, l’Inde, et Mandela la reconnaissance des droits de la population noire de son pays, l’Afrique du Sud.
Ce sont peut-être des exemples lointains et exceptionnels, mais cherchons dans notre mémoire et nous trouverons une foule de moments où nous avons pu obtenir une victoire, une réconciliation, une fécondité par une attitude de dialogue, d’écoute, de patience ou de miséricorde. Les parents le savent bien dans la patience avec laquelle ils amènent leurs enfants à plus de justesse, d’équilibre, de respect et d’ouverture d’esprit, de politesse ou de pardon.
Nous avons à l’égard de notre entourage à calquer l’attitude du Christ vis-à-vis de ses détracteurs, c’est-à-dire à refuser d’identifier nos adversaires au mal qu’ils commettent. On ne peut pas dire de quelqu’un que c’est un paresseux, un voleur ou un menteur… On peut dire qu’il y a en lui une part de mensonge, de vol, de paresse ou d’orgueil, mais il est bien d’autres choses encore, positives celles-là. Ils ne sont pas réductibles au mal qu’ils commettent, pas plus que nous d’ailleurs ! Vous pouvez lire à ce propos un très beau livre d’Amin Maalouf : Les Identités meurtrières.
Je pense également, et je m’arrêterai là-dessus, qu’il nous faut croire très fort en un progrès possible chez l’autre, en un changement d’attitude, avec le temps, la patience, la douceur… Le pardon, le vrai pardon, ce n’est pas l’effacement, ni l’oubli, c’est l’espoir qu’une autre attitude peut se mettre en place, qu’un avenir dans notre relation entre lui et moi demeure possible… et guetter ce moment, l’attendre, l’espérer, le faciliter. Parfois c’est très long, parfois c’est désespérant, mais n’est-ce pas ainsi que Dieu se comporte avec nous ?
Georges Cottin sj