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32ème dimanche du Temps Ordinaire

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Dimanche 7 novembre 2021

32ème dimanche du Temps Ordinaire – Année B

Lectures  :    1 R 17,10-16              Ps 145        He, 9,24-28             Mc 12, 38-44

Ce dimanche la liturgie nous fait le cadeau de deux figures féminines, l’une et l’autre sources d’enseignement et de fécondité spirituelle…

La veuve de Sarepta. Les veuves au temps d’Élie, c’est-à-dire neuf siècles avant Jésus Christ, occupent le rang social le plus bas. A la mort de leur mari elles perdent toute source de revenus. Elles sont contraintes à élever leurs enfants comme elles peuvent, elles n’ont plus aucune considération, quand elles ne sont pas contraintes d’épouser un de leur beau-frère même si elles ne ressentent rien pour lui.

Cette veuve, cette pauvre veuve n’a plus qu’une poignée de farine, un tout petit peu d’huile et deux morceaux de bois. Elle rappelle la situation à Élie, mais elle fait confiance, une confiance totale… à quelqu’un qui comme elle, a sans doute faim, un aussi pauvre qu’elle.

Je voudrais tout de suite attirer notre attention sur la confiance. Ce n’est sûrement pas de l’insouciance. Il pourrait y avoir quelque chose de l’ordre de l’enfantillage ou de l’irresponsabilité à dire trop facilement : Dieu pourvoira ! Jésus lui-même s’est battu la-contre ! Rappelez vous l’Évangile de dimanche dernier : « si tu veux bâtir une tour, commence par t’asseoir et réfléchir si tu as les moyens d’aller jusqu’au bout de ta construction ! Sinon tout le monde se moquera de toi ! »

Et il y a ce vieux dicton plein de sagesse : « aide-toi, le ciel t’aidera ! »

Cette confiance que manifeste la veuve de Sarepta est enracinée dans le concret de sa vie : elle a épuisé tous ses recours, elle sait qu’elle va mourir, et son enfant aussi, elle n’a vraiment plus rien, sinon cet homme, aussi démuni qu’elle, qui vient l’appeler à l’aide, la rejoindre dans son dénuement. Alors elle ose s’en remettre à un avenir incertain.

Pour nous la confiance que nous pouvons manifester à Dieu notre Sauveur s’enracine dans cette certitude que Dieu est présent à nos pauvretés, à nos dénuements, à nos impuissances. Nous suivons là l’exemple de Jésus dans sa Passion : livré aux mains des hommes mais enraciné dans le dialogue avec son Père qui voit tout et l’accompagne partout. Il a fait tout ce qu’il a pu pour expliquer aux pharisiens, au Grand Prêtre, à Pilate, à la foule, la teneur de son message d’amour. Il n’est pas venu abolir la loi mais l’accomplir pleinement. Il est venu pour que l’homme vive, pour que le paralysé se relève, pour que l’aveugle retrouve la vue et que le lépreux soit purifié. Il a tout tenté, tout assumé, et l’heure venue il s’en remet entre nos mains et en celles du Père.

Je vois là une grande prudence à acquérir pour que l’abandon à notre destin ne soit pas une soumission mais une offrande. Nous avons à faire tout notre possible pour que règne la justice et la paix, pour assurer un avenir à nos enfants, pour que la planète ne soit pas dévastée, pour que les hommes parviennent à s’écouter et à se parler. Alors seulement nous pouvons dire : inch allah ! Que Dieu nous préserve et nous garde !

 

L’autre veuve, celle qui s’avance dans le Temple et qui dépose dans le tronc deux pièces de monnaie, toute sa fortune ! Jésus l’observe et voit là une immense générosité, infiniment plus grande que celle de ceux qui ont donné de grosses sommes en ne prenant que sur leur superflu. La situation est assez semblable à celle de la veuve de Sarepta, avec cette différence qu’il ne s’agit pas là de vie ou de mort mais de pauvreté. Elle a pris sur son indigence, elle a offert quelque chose de sa pauvreté, de ses économies, de ce qu’elle gardait précieusement.

Je pense ici à ce que nous gardons précieusement contre nous, bien à l’abri des autres… Cela peut être de l’argent, plus ordinairement c’est du temps, ou de l’espace, ou de l’indifférence aux autres… C’est le refus de servir, d’être dérangé, dérouté, dépossédé… Je pense au Bon Samaritain sur la route de Jéricho : il n’a pas peur de se salir, de prêter sa monture, de s’arrêter dans une auberge, d’engager l’avenir, tout ça pour prêter secours à un homme qu’il ne connait même pas !

L’indigence dont parle Jésus, c’est peut-être les craintes qui m’habitent à me risquer à la rencontre de l’autre, c’est mon fichu caractère qui me conduit plus à l’isolement qu’à l’affrontement, c’est ma maladie, mon handicap, mon peu d’instruction ou mon grand âge que je mets en avant comme prétextes pour ne pas « aller aux frontières » comme dit le Pape François !

Jésus reconnait et fait l’éloge de cette femme. Il s’appuie comme toujours sur ce qu’il voit, il tire un enseignement des choses bien concrètes de la vie. Il nous invite à en faire de même.

Deux femmes, l’une qui fait confiance totalement, l’autre qui prend sur son indigence… Deux belles figures,  féminines comme par hasard,  qui viennent nous bousculer dans notre comportement habituel de repli sur soi ou de retranchement derrière nos pauvretés. Nous pouvons les contempler en silence pendant quelques instants, en demandant au seigneur qu’il nous éclaire sur ce qui doit changer en nous.

Georges Cottin sj