Dimanche de la sainte Famille
Dimanche de la sainte famille – année C – 29 décembre 2024 –
Lectures : 1 S 1, 20-22.24-28 Ps 83 1 Jn 3, 1-2.21-24 Lc 2, 41-52
Homélie pour le dimanche de la Sainte Famille
Pour Marie et Joseph, comme pour tous les parents, la préoccupation principale était que leur enfant croisse et grandisse, “ en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes”. C’est un grand bonheur pour des parents de voir leur enfant se développer, mais c’est une souffrance et une angoisse quand les enfants sont malades, quand ils traversent des crises, ou quand les parents n’arrivent plus à comprendre leur enfant. Ce fut le cas ce jour-là, à Jérusalem, de Marie et Joseph avec Jésus.
Le temps de Noël est un temps de cadeaux. Il me semble que le plus beau cadeau à mettre au pied du sapin, le cadeau parfois aussi le plus difficile des parents à leur enfant, c’est la liberté. Que la relation des parents aux enfants, des enfants aux parents devienne de plus en plus une relation de liberté. Cela ne veut pas dire que la relation cesse, mais qu’elle ne repose plus sur la dépendance, sur ce que les parents ont donné et donnent chaque jour à leurs enfants. Que cette relation des enfants aux parents passe de la reconnaissance à une affection librement consentie.
Dans la tradition juive, c’est à 12-13 ans que l’enfant est invité à prendre la parole au sein de la célébration liturgique du shabbat pour proclamer et chanter la Parole de Dieu devant toute la communauté. C’est sans doute quelque chose de cet ordre qui s’est passé au Temple de Jérusalem pour Jésus et qui est en filigrane dans le récit de Luc. Ce jour-là Jésus a commencé à prendre sa liberté, à suivre son propre chemin devant Dieu et devant les hommes … Et cela n’a pas été facile à vivre pour Marie et Joseph.
De cet épisode, nous pouvons tirer deux leçons.
La première, c’est qu’un enfant n’appartient pas à ses parents. Sans doute le cas de Jésus est unique mais il a valeur d’exemple pour nous. En fait, personne n’est la propriété ni la possession de personne. Marie n’est pas à Joseph et Joseph n’est pas à Marie. Ils sont à Dieu. Leur fils n’est pas à ses parents, il est à Dieu. Une vie familiale vraie se construit à la fois sur une attitude d’accueil chaleureux – ses parents prendront un grand soin de Jésus – et de renoncement : non, tu ne m’appartiens pas, et je vais apprendre à m’en réjouir.
Il n’est pas rare de voir des parents perdre pied devant le mystère de leur enfant.
“Mon enfant pour quoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi nous avons souffert en te cherchant .” Si pour Marie et Joseph l’épreuve dure ici trois jours, c’est pour que nous la rapprochions de la Passion et de la Croix. L’épreuve est crucifiante mais c’est pour la joie de Pâques. Pour être parent, comme pour être époux, fils ou grand-parent, il faut respecter l’autre dans son identité qui nous échappe ….C’est la première leçon : parents, enfants, époux, grands-parents, petits-enfants, chacun est devant l’autre comme devant un mystère … Chacun est invité à trouver la juste manière d’y être présent.
La seconde leçon, c’est l’ouverture de la famille. En rejoignant au Temple Dieu, son Père, Jésus nous rappelle que la vie ne s’arrête pas à la sphère des parents et amis. Elle vise plus large, la famille n’étant qu’un point de départ : on y apprend l’amour mais c’est pour aller le vivre ailleurs … Le plus souvent dans une nouvelle famille. L’amour qui m’unit à mes proches doit m’ouvrir à l’universel…. On passera de l’amour de ses proches à l’amour du tout-venant, de tous ceux qui viennent à proximité de notre vie. Et si l’on doit se dépenser pour la fraternité universelle ce sera parce que l’on aura éprouvé dans son cœur le lien intime qui nous attache tous à Dieu.
Retenons enfin que dans le Temple Jésus apparait comme écoutant et interrogeant les docteurs de la Loi. Cet échange montre que la sagesse divine loin d’être autoritaire est relationnelle. Jésus se place dans une posture d’écoute et de dialogue, indiquant le chemin à suivre à ses futurs disciples, à son Église. Amen
Jean-Jacques Guillemot sj